Pour sa 69ème édition, le Festival de Cannes se pare d’une affiche conçue par Hervé Chigioni et le graphiste Gilles Frappier, qui rompt avec la tradition des portraits de stars : on y découvre les marches de la Villa Malaparte à Capri, montées par Michel Piccoli dans le film Le Mépris de Jean-Luc Godard. Une métaphore en hommage au cinéma : "Tout est là. Les marches, la mer, l’horizon : l’ascension d’un homme vers son rêve, dans la chaleur d’une lumière méditerranéenne qui se change en or. Une vision qui rappelle cette citation qui ouvre Le Mépris: Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs", peut-on voir sur le site du festival.
Quel drôle de personnage faut-il être pour faire construire une maison pareille ? Réponse : Curzio Malaparte, né Kurt-Erich Suckert en 1898. L’écrivain a obtenu modification de son état civil en 1929, avec cette justification : "Napoléon s’appelait Bonaparte, et il a mal fini : je m’appelle Malaparte et je finirai bien".
L’homme s’était engagé volontairement pour la Première Guerre mondiale en trichant sur son âge (il n’avait que 16 ans) puis adhèrera au mouvement fasciste mussolinien avant d’être déçu par le Duce. Condamné par le régime parce qu’influent, il est exilé sur les îles Lipari. En 1943, il participe à la libération de l’Italie après avoir été correspondant de guerre sur le front de l’Est puis publie son roman autobiographique La Peau en 1949.
A la fin de sa vie, il demande l’adhésion au parti communiste. Elle lui est d’abord refusée, puis acceptée à l’heure de sa mort en 1957.
C’est à la fin de son exil que l’écrivain fait construire sa villa à Capri sur un pic rocheux du Capo Massulo, dominant la mer Tyrrhénienne de 32 mètres de haut. En 1937 précisément, et jusqu’en 43. Son projet est assisté par l’architecte rationaliste Adalberto Libera qui en effectue les plans selon cet ordre : "Faites-moi une maison comme moi". Mais pour le reste, c’est Malaparte qui mène les travaux d’une main de fer avec l’aide de maçons locaux.
Ce bâtiment trapézoïdal divisé en trois niveaux est tout de pierre et non de ciment comme l’on pourrait le croire. Il est surmonté d’un toit plat sans rambardes utilisé comme piste de bicyclette pour Malaparte puis comme solarium par Bardot en 63, accessible par un escalier monumental en pyramide inversée. Ce bunker inspiré par le futurisme est réchauffé par sa peinture rouge, et bien sûr sa vue sur le golfe de Salerne.
Après la mort de l’écrivain, la "maison invisible" fut laissée à l’abandon jusque 1980, avant d’être restaurée par son petit neveu Niccolo Rositani. Elle héberge désormais des évènements culturels mais n’est pas à visiter car elle appartient toujours aux héritiers Suckert. Cependant, il est tout à fait possible de l’approcher (au plus près) en venant par la mer. Même défendue par les grands rochers des Faraglioni, des excursions en bateau permettent de faire le tour de toute l’île afin d’en voir les lieux secrets. Sur ce site, vous pouvez même louer un bateau pour une journée entière. Mais Capri se découvre aussi à pied : le petit cap de la maison de Malaparte se trouve à une heure et demie à pied de la "piazzetta" d’Anacapri.
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Via Dentecala 1000 Anacapri
